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Définition de la QVT: faut-il parler de « qualité de vie au travail » ou de « bonheur au travail » ?

3 décembre 2018

Partout, nous entendons parler de qualité de vie au travail, de bien-être au travail et même de bonheur au travail… Comme si ces termes renvoyaient tous à la même notion.

Attention, cette confusion est dangereuse ! Le seul bien-être suffit-il à développer une vie au travail de qualité ? Et peut-on vraiment prétendre au bonheur en entreprise ?

 

Petite histoire et définition de la qualité de vie au travail

Au XXIe siècle, la France a connu une avancée décisive sur les conditions de travail.

En effet, depuis les années 2000 avec une accélération depuis 2010, il est prouvé que des salariés plus motivés accroissent la productivité de l’entreprise. La recherche de ce cercle vertueux a engendré une négociation entre partenaires sociaux, qui a abouti le 19 juin 2013 à la signature d’un accord sur la QVT.

Les signataires sont : la CGPME, l’UPA, le MEDEF représentants patronaux et la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC pour les salariés.

Si la définition de la QVT y reste imprécise, cet accord nous donne toutefois plusieurs éléments pour mieux la comprendre :

  • La qualité de vie au travail participe aussi bien au développement des individus qu’à celui des entreprises (préambule de l’accord)
  • Une démarche de QVT doit prendre en compte les 10 composantes de la qualité de vie au travail (annexe à l’article 13 de L’ANI QVT)

Chez Take a Coach, nous avons choisi de nous appuyer sur ces 10 composantes pour fonder notre méthodologie et pour décrire de façon complète la QVT.

Quelles sont les 10 thématiques qui composent la Qualité de Vie au Travail ?

 

Les 10 composantes de la qualité de vie au travail :

De l’accord sur la QVT, nous pouvons faire ressortir dix piliers fondamentaux.

Ces dix points nous permettent à la fois de comprendre la complexité de la notion de qualité de vie au travail, et aussi d’appréhender une démarche de QVT de façon exhaustive.

Les dix piliers de la qualité de vie au travail sont :

  1. La qualité de l’engagement de tous, à tous les niveaux de l’entreprise
  2. La qualité des relations au travail
  3. La qualité de l’information partagée au sein de l’entreprise
  4. La qualité de l’organisation du travail et de sa mise en oeuvre
  5. La possibilité de réalisation et de développement personnel
  6. La possibilité de concilier vie professionnelle et vie personnelle
  7. La qualité de l’environnement physique
  8. La qualité du contenu du travail
  9. La qualité du dialogue social
  10. Le respect de l’égalité et de l’inclusion professionnelle

 

Les 10 composantes de la Qualité de Vie au Travail - Take a Coach

 

La qualité de vie au travail, c’est tous les éléments à la fois.

Rien à voir avec les organisations de type militaire ou tayloriste, donc !

En effet, entrer dans une démarche de QVT exige un engagement bien plus important. Les efforts à fournir peuvent paraître impressionnants. Dirigeants comme salariés se doivent d’être proactifs pour que le cercle devienne vertueux…

Ces efforts en valent-ils la peine ?

L’enthousiasme est réel chez nos clients qui ont franchi le cap. Tout le monde s’y retrouve au sein de l’organisation.

Néanmoins, nos clients qui s’y sont adonnés ne se sont pas contentés de repeindre les bureaux ou d’installer des babyfoots (quoi que !). Ils y ont consacré des années de réflexion puis de mise en place.

Et le bonheur au travail dans tout ça ?

 

Les collatéraux de l’accord QVT: l’avènement du bonheur au travail

Pendant la période de gestation de l’accord de QVT, de 2010 à 2014, la notion de bonheur au travail prend forme.

À l’origine de cette initiative ?

Laurence Vanhée, DHR du Service Public Fédéral belge de la Sécurité sociale, qui décide d’être la première Chief Happiness Officer en Europe.

Cette démarche est couronnée par un très beau palmarès :

  • 12M € d’économies par an en frais locatifs
  • 0 jour de grève
  • Taux de démission : -75%
  • Taux d’absentéisme : – 26%
  • Productivité : + 20%
  • Nombre de candidatures spontanées : + 500%

Ce succès s’explique par la réorganisation du travail et des espaces de travail… et par l’utilisation percutante du concept de bonheur.

La réorganisation du travail a depuis le vent en poupe. En témoigne l’engouement actuel pour l’entreprise libérée. En effet, dans un contexte où prévalent des relations de travail de qualité, nul n’a plus vocation à être contrôlé par une personne dédiée dont on pourrait faire sans mal l’économie.

Pourtant, aujourd’hui, nous pourrions trouver beaucoup à redire au modèle de l’entreprise libérée. Entre autres, l’aplatissement de l’organisation et de la hiérarchie est considérée à tort comme une solution prête-à-l’emploi, applicable dans toute structure : elle n’est pourtant pas pertinente dans la majorité des entreprises !

Impossible alors de résumer le dispositif QVT au modèle de l’entreprise libéré.

 

Pourquoi la notion de Qualité de Vie au Travail est-elle plus pertinente que celle de Bonheur au Travail ?

L’expression « bonheur au travail » a permis à Laurence Vanhée, la pionnière dans le domaine, de performer.

Il peut être alors tentant de conserver cette expression gagnante.

Pourtant, nous ne vous le conseillons pas !

Voici les 4 raisons pour lesquelles nous préférons parler de qualité de vie plutôt que de bonheur ou de bien-être au travail.

1. La QVT est une notion bien plus complexe que le bonheur au travail ou le bien-être

De toute évidence, la QVT est une notion extrêmement complexe.

Les idées de bonheur ou de bien-être peinent à refléter cette complexité et à renvoyer aux dix composantes de la qualité de vie au travail.

  • Bonheur au travail :

Nous avons vu que la notion de bonheur était souvent utilisée pour parler de l’entreprise libérée et de la fin de la hiérarchie…

…Or il ne s’agit que d’un cas (très) particulier d’amélioration de la QVT, d’un exemple de solution qui a fonctionné pour une poignée d’entreprises.

Il ne fait pas honneur à la logique de démarche QVT : la réflexion durant laquelle nous cherchons à définir les meilleures solutions pour améliorer les conditions de travail d’une organisation, en prenant en compte son unicité.

  • Bien-être au travail :

De la même façon, le seul terme de bien-être ne saurait faire référence à l’ensemble des thématiques qui composent la QVT : bien souvent, nous parlons de bien-être en entreprise pour décrire l’environnement de travail

…Soit une seule thématique QVT sur les dix !

2. Par réalisme : les salariés français ne sont pas heureux au travail

L’objectif et la source de la QVT, c’est l’engagement.

Ainsi, l’entreprise s’engage à proposer une organisation optimale et respectueuse des intérêts de ses salariés..

…Tandis que les salariés s’engagent à mettre toute leur énergie au service du projet de l’entreprise.

Or, les chiffres de l’engagement sont extrêmement bas en France !

L’institut Gallup publie régulièrement une étude sur l’engagement des salariés à travers le monde, voici les données issues des rapports 2013 et 2017 :

  • En 2013, seulement 9% des salariés français se sentent engagés dans leur entreprise (contre 15% en Allemagne, 17 % au Royaume Uni et 30% aux Etats-Unis).
  • En 2017, le taux d’engagement des français a encore chuté : seuls 6% des français se sentent engagés (15% en Allemagne, 11% au Royaume Uni, 11% au Etats-Unis).

Par ailleurs, d’autres chiffres sont alarmants.

Le réseau de veille des médecins du travail estime en France que 3% des femmes qui travaillent et 1% des hommes sont victimes de burn-out au sens strict.

Une étude de Great Place to Work évoque de son côté un taux de 17%, mais on peut penser que l’étude inclut plus généralement l’épuisement.

Quoi qu’il en soit, ces chiffres nous incitent à rester modeste.

L’état des lieux est accablant. En revanche les perspectives, via la signature de l’accord QVT, sont rassurantes. Toutes les parties ont compris qu’il fallait changer.

Aussi, généraliser le bonheur au travail quand on évoque les suicides dans tant de grandes entreprises du public ou du privé, chez les policiers, les agriculteurs, etc. n’est ni approprié, ni réaliste.

3. Par honnêteté intellectuelle : l’objectif est-il vraiment le bonheur de l’employé ?

Le bonheur au travail est un vrai vecteur de communication.

Ça fait épanoui, branché, cool. Comme si tous les participants de l’entreprise étaient en communion.

Bref, c’est sympa.

Mais quand on regarde de plus près… Quelque chose dérange.

Babyfoot : bonheur au travail ou rétention du salarié au bureau ?Jetez un Å“il aux reportages sur le bonheur au travail : vous suivez alors des patrons d’entreprise qui, tout sourire, vous montrent à quel point ils pensent au bonheur et au confort de leurs salariés. Les babyfoots sont devenus des mascottes. On y trouve de la nourriture et des bonbons à profusion. Des soirées sont régulièrement organisées.

Et l’exemple le plus extrême :

Les écoles créées par Xavier Niel, qui a vraiment tout prévu puisque les étudiants peuvent dormir sur leur lieu de travail.

Tout est fait pour retenir les salariés sur leur lieu de travail.

On ne peut s’empêcher de penser que l’entreprise qui abuse de ce concept cherche à gagner du terrain et du temps dans la journée de ses salariés. Le bonheur est-il vraiment l’objectif ?

N’oublions pas que l’une des grandes lignes de l’accord sur la Qualité de Vie au Travail est la possibilité de concilier vie personnelle et professionnelle.

Comment parler de bonheur, lorsque l’entreprise ne porte aucune attention à la conciliation entre le privé et le professionnel, au rythme de travail, aux horaires ?

4. Et pour finir : simplement par pragmatisme

Françoise Papacatzis, de l’entreprise DuPont France, a déclaré très justement :

« Si le travail apporte des revenus, un accès aux soins et à la retraite, s’il constitue un facteur de dignité, d’estime de soi et d’insertion sociale, l’entreprise n’a pas pour autant vocation à apporter le bonheur.

Le travail est avant tout un contrat, avec des droits et des devoirs. Pour sa part, le salarié n’a pas à tout donner à son entreprise ; il doit aussi s’investir dans sa vie privée, familiale, amicale et sociale.

Le sens donné au travail est individuel : chacun y met ce qu’il souhaite.

Charge à l’entreprise de fournir des conditions de travail suffisamment bonnes pour que chacun des salariés puisse se sentir en sécurité et donner un sens à son activité professionnelle. Telle est la qualité de vie au travail. »

Ainsi, nous préférons accepter le cheminement, parfois difficile, de l’amélioration de la Qualité de Vie au Travail. Cette démarche, si elle est acceptée et mise en place par l’ensemble des parties prenantes, sera de loin la plus efficace, là où le bonheur n’est souvent que confort ou poudre aux yeux.

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