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Performance versus efficience: une confusion contre-productive

6 janvier 2019

Performance et efficience: deux notions que nous avons tendance à confondre dans les pays latins… et qui sont pourtant très différentes, notamment dans leur impact QVT!

Quand la performance devient-elle contre-productive?

 

Il était une fois, la performance…

La notion de performance en entreprise, c’est plutôt récent.

Dans les années 1970, elle concernait trois catégories professionnelles :

  • Le taylorisme permettait de mesurer la performance du salarié de l’industrie
  • La commission rémunérait la performance des commerciaux
  • Le cours de l’action ou la progression de la rentabilité mettait en jeu les primes des instances dirigeantes

Nous avions donc trois catégories professionnelles, pas plus, dont la rémunération comportait une partie variable (dite « prime » ou « commission » – on ne connait pas encore le mot bonus à l’époque) directement liée à la réalisation d’une performance.

Aujourd’hui, pourtant, le concept de performance nous a complètement envahis.

Et elle s’inscrit désormais majoritairement dans une perspective de diminution des coûts.

L’idée même de performance est très difficile à remettre en cause. La mondialisation, la prégnance de l’économie, la sensation du besoin de croissance nous mettent le dos au mur. Il ne faut absolument pas se faire dépasser.

  • Nombre d’appels d’offres issus du secteur public évoquent l’adaptation au changement et à la nécessaire performance du service.
  • En entreprise privée, les entretiens individuels sont l’occasion de voir ce qu’il en est de la réalisation des objectifs et de négocier ceux de l’année suivante.

Mais dans cette perspective de performance, où performance et diminution des coûts vont de pair, quels sont les bénéfices pour les personnes et les organisations performantes ?

Avec du recul, la performance est considérée comme une nécessité pour suivre le rythme dans un monde économique changeant, une obligation pour éviter le chômage… mais elle n’apporte aucune contrepartie en soi.

Aucun avantage supplémentaire.

C’est une voie à sens unique…

… et une quête qui peut coûter très cher.

Performance et épuisement : attention aux abus !

Combien de dirigeants se vantent de « savoir mettre la pression », sans pour autant considérer qu’un taux d’absentéisme en forte hausse n’est pas une victoire ?

Quand la performance détruit la qualité de vie en entreprise, peut-on espérer des résultats positifs ?

Un exemple classique est celui d’Orange, sous la direction de Stéphane Richard. La pépite française est aujourd’hui apaisée, mais on ne peut oublier les 65 suicides commis dans l’entreprise entre 2005 et 2009, au moment du déploiement du plan Next censé rendre l’établissement plus performant.

Chez Take a Coach, nous avons refusé certaines missions, comprenant que le coach était pris pour un alibi. « Je vous traite bien, vous avez un coach, alors continuez de venir bosser le samedi. » Ce n’est pas l’idée que les spécialistes de la QVT défendent.

Les chiffres de la contre-performance et de l’épuisement :

La quête de la performance devient contre-productive quand elle mène à l'épuisementD’après l’étude annuelle Malakoff Médéric Santé des dirigeants 2015 :

  • 62% des dirigeants de TPE/PME ne se sentent pas capables de travailler au même rythme pendant dix ans.
  • 52% consultent leurs mails en dehors du travail.
  • 44% travaillent plus de 50 heures par semaine.
  • 40% prennent deux semaines de vacances par an au plus.

Il s’agit d’une étude sur les dirigeants. On imagine aisément que les cadres de ces dirigeants ne se la coulent pas douce non plus, parce que le dirigeant fixe la norme (« si j’y arrive, alors tout le monde peut y arriver »). On peut donc raisonnablement penser que dans 62% des entreprises, le climat est au stress – justifié par la nécessaire performance.

Et dans les grandes entreprises ?

C’est aussi la course au challenge. Aujourd’hui, on est systématiquement confronté à un nouveau challenge.

Ainsi la pression à la performance est de mise, pourtant elle apparaît épuisante même aux yeux de ses promoteurs.

« De toute façon, dès que tu n’es pas au top, on te dépasse. »

Monsieur de la Palice en eût dit autant…

Performance versus Efficience: et si nous n’avions rien compris ?

À la lecture des classements européens sur la QVT, il est patent que la France et plus généralement les pays latins sont à la traine (voire à la peine).

Nous avons une piste de solution : un problème sémantique.

  • Étymologiquement, performance vient de l’ancien français parformer, qui signifiait « accomplir, exécuter » au XIIIème siècle.
  • Le verbe anglais to perform apparaît au XVème siècle avec une signification plus large : « accomplir une tache avec régularité, méthode et application, l’exécuter et la mener à son accomplissement d’une manière convenable ».

Le mot a été ré-introduit en français dans le domaine des courses de chevaux à propos des résultats d’un cheval. Il s’est étendu au sens d’exploit (en compétition…), puis de capacité (d’un moteur…) et enfin d’action (artistique…).

Ainsi le mot performance anglo-saxon évoque régularité et rendement quand le mot performance français fait allusion à l’exploit.

  • Pour les anglo-saxons, un moteur performant est un moteur qui tourne. On peut mesurer ses performances.
  • Pour les latins, le même moteur n’est performant que s’il domine les autres moteurs du marché, si ses performances sont supérieures.

Nous pouvons faire la même distinction en entreprise :

  • Pour les anglo-saxons, être performant en entreprise, c’est en donner à l’entreprise pour son argent.
  • Pour les français, être performant en entreprise, c’est être en permanence à la limite de ses possibilités.

Nous distinguons, chez Take a Coach, la performance-exploit (la vision française de la performance) et l’efficience (la vision anglo-saxonne, qui relève davantage du comportement individuel dans la durée).

Evidemment, nous n’attendons pas du manager qu’il révolutionne l’approche de son entreprise à la notion de performance.

Il existe néanmoins des façons de mieux doser les efforts collectifs dans la quête de la performance-exploit.

Les voici.

Comment mener ses équipes vers la performance-exploit ?

En France, comme nous venons de le voir, nous confondons deux acceptions du mot performance.

  • Le résultat chiffré, quel qu’il soit
  • L’exploit

Lorsque les anglo-saxons parlent de gestion de la performance, ils parlent en réalité d’efficience. Nous, les français, pensons exploit.

L’exploit est par définition une action qui dépasse les limites ordinaires.

Il est donc exceptionnel.

Difficile d’inscrire une action exceptionnelle dans la durée et de la transformer en marche à suivre !

À l’inverse, l’efficience anglo-saxonne est comportementale. C’est le comportement individuel qui nous rend performants.

Il faut donc bien comprendre qu’exiger des équipes qu’elles réalisent un exploit sur le long terme ne peut mener qu’à l’épuisement et à la contre-performance.

Faire durer sur le long-terme une démarche d’exploit de court-terme n’aura pas l’effet escompté

Les sportifs de haut niveau savent gérer leurs efforts dans le temps. S’ils agissaient autrement, il leur manquerait l’énergie nécessaire à la réalisation d’exploits.

Dans les entreprises où la pression à la performance est trop forte, des mécanismes parfois inconscients de résistance se mettent en place et concourent à abaisser, de manière involontaire, le niveau général.

La performance telle que nous l’entendons est la mobilisation des membres de la société, d’une équipe pour atteindre un résultat donné, à condition qu’il soit circonscrit dans le temps et qu’on y applique une véritable stratégie. Stresser ses collaborateurs durablement ne peut être considéré comme une bonne stratégie.

L’un des arts du management est de doser efficacement les périodes de challenge qui motivent et les périodes de repos. Trop tirer sur la corde conduit à une démotivation et à mettre les salariés en risque. Trop peu de challenge conduit aussi à la démotivation. Le management doit sentir et doser. Il n’y a pas de recette.

Les 4 étapes pour négocier une performance-exploit:

Pour mobiliser vos troupes autour de la performance, vous pouvez vous organiser autour des quatre axes qui suivent.

Vous serez appelé à négocier les termes de la mission en plusieurs fois, avec votre hiérarchie d’une part, et avec votre équipe d’autre part.

1. Définir l’action ou la mission

Commettre un exploit suppose d’abord de définir l’action ou la mission attendue : quoi, qui, comment, où, quand.

De l’objectif va découler l’organisation :

  • Un objectif à très court terme va mobiliser rapidement beaucoup d’énergie.
  • Un objectif à moyen ou long terme impose une gestion de cette énergie dans le temps.

Ne pas indiquer d’objectif veut dire que la demande de performance est une simple façon de communiquer.

C’est le rôle du manager d’obtenir tous les éclaircissements sur l’objectif et les critères de son atteinte.

Tous ces éléments se négocient. Il est conseillé de mener les négociations en plusieurs étapes : comme vous aurez probablement à renégocier auprès de votre équipe par la suite, il faut surtout dans un premier temps avoir une idée précise de ce qui est attendu et de la marge de manÅ“uvre dont vous disposez. Les membres qualifiés de l’équipe peuvent bien sûr contribuer à la définition des objectifs. La négociation des moyens à mettre en oeuvre se fera dans un second temps.

Cette étape est le socle de tout ce qui suit. C’est la partie à approfondir, à moins d’être dans une structure de type agile, où l’on accepte de renégocier en fonction des événements.

2. Expliciter le résultat escompté et clarifier l’évaluation du résultat

Il s’agit de cadrer la règle du jeu.

Dans tous les cas, le terme performance induit un résultat constatable : pas de performance sans résultat.

3. Fournir les moyens d’atteinte du résultat et optimiser l’utilisation de ces moyens

Il doit y avoir adéquation entre le résultat escompté et les ressources allouées à l’atteinte de ce résultat.

C’est dans l’optimisation des moyens que peut se situer la performance.

Par exemple, Michel et Augustin qui disposaient de peu de moyens au début de leur activité ont adopté le concept de guérilla marketing qui, associé à l’utilisation des réseaux sociaux, leur a permis de devenir un acteur mondial en moins de dix ans.

Les acteurs de terrain sont mieux à même d’estimer leurs besoins.

C’est avec eux que vous allez optimiser les moyens et les ressources à mettre en oeuvre, là encore dans un objectif de négociation. Il est important que l’équipe soit mobilisée sur ce sujet :

  • D’une part, parce que sa connaissance du terrain lui permet d’évaluer correctement et de trouver des solutions originales
  • D’autre part, parce que c’est une des conditions de l’adhésion de l’équipe à la performance-exploit

Ces moyens et leur optimisation conçus avec l’équipe serviront de base au manager pour négocier avec la hiérarchie.

4. Apporter une contrepartie à ceux qui réalisent l’exploit

La contrepartie doit aussi être inscrite dans la règle du jeu.

L’idée est de sortir de la notion de « performance pour la performance ». La performance-exploit, pour être viable, doit être une négociation entre les parties prenantes.

Avec un intérêt pour chacun à mener la mission à bien.

La contrepartie peut être matérielle, immatérielle ou une combinaison des deux :

  • Une prime
  • Une perspective d’évolution de carrière
  • Des journées de récupération
  • Etc.

D’emblée, si l’objectif est atteint, il faut aussi compter sur la satisfaction et la consolidation de l’équipe.

Une fois l’opération achevée, il est très important d’analyser chaque étape de la performance-exploit, afin de la valider en l’état ou d’imaginer des améliorations.

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